LES TRADITIONS PHILOSOPHIQUES D’ASIE (2) : Présentation du dossier
« Les quatre articles qui suivent constituent la seconde partie du dossier thématique sur les traditions philosophiques d’Asie. La première partie, publiée dans le précédent numéro, était centrée sur la présentation et l’analyse des concepts de temps, d’espace, de causalité et de subjectivité qui sont autrement compris que dans la tradition philosophique occidentale. La seconde partie s’attache à explorer la pratique de la pensée et la visée de la vérité comme transformations de soi, ce qui est une autre dimension, tout aussi fondamentale, de la philosophie. Chacune à leur manière et selon l’objet qui leur est propre, les contributions mettent au jour la nécessité de prendre en considération l’horizon sotériologique dans lequel se déploient les pensées orientales. Elles permettent ainsi d’en saisir l’originalité et la singularité.
Dans les pas de Pierre Hadot, Stéphane Clerjaud cherche à repérer les points de convergence entre le scepticisme de Pyrrhon et le bouddhisme zen. Une pratique similaire d’abstention du jugement et de dépouillement de soi peut justifier ce rapprochement. François Warin ne choisit pas la voie de la philosophie comparative pour éclairer la pensée taoïste, mais une pratique artistique particulière : l’art de la poterie appelé raku. Il s’attache à montrer que ce qui se joue dans le geste de façonner un bol, c’est l’engagement de l’artiste dans l’exploration du vide et dans la création au milieu de ce vide matriciel, mais aussi sa disponibilité à l’accident, fondée sur la spontanéité et les métamorphoses de la matière.
Les philosophies d’Asie accordent une importance décisive à la visée d’une libération de soi. Martine Chifflot se propose de voir comment cette visée prend la forme d’exercices spirituels très précis dans deux courants distincts de la tradition philosophique hindouiste : le Yoga et le Védānta. Elle s’attache à exposer leurs sources, leurs convergences et aussi leurs différences, tordant le cou à certaines images d’Épinal qui se sont diffusées en Occident sous l’effet des modes.
Sandy Hinzelin, enfin, affronte le concept de vacuité à partir de la tradition tibétaine du bouddhisme, et plus particulièrement encore à partir d’un texte, Le traité qui montre la nature de Bouddha, écrit au xive siècle par Rangjoung Dorjé. Elle en dégage les significations intellectuelles, et en souligne les implications pratiques et les effets de transformation de soi. Afin de nous donner une idée plus concrète du déploiement de cette pensée, elle donne, à la fin de son article, la traduction de plusieurs stances.
Les deux parties de ce dossier thématique n’offrent bien entendu qu’un aperçu de ce continent intellectuel, philosophique et méditatif. Nous espérons cependant avoir donné envie au lecteur d’explorer plus avant les voies ainsi ouvertes ».
Bertrand NOUAILLES, Lycée Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, Membre du secrétariat de la revue.
L’Enseignement philosophique, 72e Année – Numéro 5 septembre-novembre 2022, pp. 9-10 (Revue de l’Association des Professeurs de Philosophie de l’Enseignement Public).
L’Enseignement philosophique, LES TRADITIONS PHILOSOPHIQUES D’ASIE (1) : Version numérique sur Cairn
L’Enseignement philosophique, LES TRADITIONS PHILOSOPHIQUES D’ASIE (2) : Version numérique sur Cairn
Photo : Sébastien Goldberg